samedi 14 mars 2009

Emigration choisie


Émigration choisie




Ils auraient aimé habiter dans une maison vietnamienne pour avoir une vie qui ressemble plus à celle des gens d’ici, mais, avec les enfants, c’est trop compliqué.



Ils n’habitent pas dans un lotissement, ils habitent dans un compound.



Leur compound a une piscine. C’est fermé, sécurisé, c’est bien pour les enfants, ils peuvent faire du vélo.



Ils ont des terrains de tennis dans leur compound, mais ils n’y jouent pas. Non parce qu’ils trouvent que c’est snob, non, c’est parce qu’il fait trop chaud.



Leur maison possède des murs jaunes et des fioritures un peu baroques en stuc blanc. Il y a 4,5 m de hauteur sous plafond. Dommage que les peintures soient cloquées à cause de l’humidité...



Leur loyer est de 3000 dollars par mois, mais le propriétaire va peut-être le faire passer à 6000 le mois prochain. Pour eux aussi c’est difficile en ce moment...



Ils louent une Toyota Innova de 8 places, avec chauffeur, ou bien ils utilisent le 4*4 Land Cruiser de fonction de l'entreprise de Monsieur.



Le 4*4 c’est bien parce que à An Phu, le quartier où ils habitent, c’est inondable.

Pour faire leurs courses, ils vont chez Annam Gourmet, une boutique ou les produits Fauchon côtoient les conserves Leader Price importées de France. Mais, comme ils ont perdu leurs repères, ils pensent que c’est une bonne marque aussi.



Leurs enfants mangent des BN pour le goûter.



Monsieur travaille beaucoup et rentre tard. Madame s’inquiète parce qu’il a peut être des liaisons secrètes avec ses secrétaires vietnamiennes.



La femme de ménage et la cuisinière sont agaçantes, elles sont toujours en train de dormir sur le canapé quand ils rentrent à l’improviste. Et puis, elles doivent regarder la télé quand ils ne sont pas là car en l’allumant ils tombent toujours sur un chaîne vietnamienne et le volume est poussé au maximum. Quand à la clim’, elle est réglée sur 17°.



Madame aime aller chez le coiffeur et se fait faire une manucure deux fois par semaine.



Madame collectionne les numéros de l’Echos de rizières. Elle est très fière d’y être en photo avec ses copines de l’atelier broderie de l’amicale francophone. Mais elle est déçue de ne pas avoir pu faire garder les enfants pour la soirée Beaujolais Nouveau, car toutes ses voisines elles, elles y étaient...



Madame devra penser elle aussi à écrire un article pour l’Echos des rizières, par exemple sur son week end à Dalat. (Madame vient de découvrir Dalat après dix ans passés au Vietnam).



Quand ils voyagent, ils ne vont pas dans des hôtels, ils vont dans des resorts.



Pour se tenir au courant de l’actualité littéraire, ils vont à la libraire française. C’est bien actualisé, d’ailleurs, la preuve, ils viennent de recevoir L’élégance du Hérisson.



Ils sont ravis d’aller au théâtre voir jouer une fois par an leurs amis qui font parti d’un atelier.



Ils sont ravis car cette année un événement littéraire exceptionnel a eut lieu : Marc Lévy est venu à Saigon pour une soirée dédicace. Ils adorent Marc Lévy, c’est sûr, c’est un des plus grands... La venue d’un futur Prix Nobel, fallait pas rater ça.



Ils ont tous ici un, ou une, ami(e) artiste peintre. Cet artiste à d’ailleurs beaucoup de talent.



Le dimanche ils vont dans le quartier 1 prendre un brunch dans salon de thé qui fait restaurant près de la cathédrale. C’est propre et c’est tenu par français. Quelque fois, ils vont aussi au buffet du Sofitel. Cela les fait d’ailleurs beaucoup rire d’y croiser des compatriotes mariés avec des vietnamiennes qui y viennent pour se gaver de Gói.



Ils viennent d’apprendre comment dire « bonne année » en vietnamien.



Ils voyagent avec Air France.



Ils ont déjà parlé de rentrer en France cet été, ils iront voir leur famille sur la côte d’azur. Ils ne resteront pas à Paris. A Paris, ils sont un peu perdus. Les pôvres !



Mais maintenant, avec la crise, les temps sont durs. Le mari de leur voisine vient de perdre sont emploi. Ils vont devoir rentrer définitivement en France. Dans leur rue, de plus en plus de maisons sont désormais à louer. Un jour ce sera peut être leur tour. Pas facile de rentrer, et de travailler plus pour gagner moins...



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah merci pour ces chroniques vietnamiennes si bien écrites, qui ne sont pas sans nous rappeler notre ex-vie saigonnaise! Mais tu n'as pas dit l'essentiel: heureusement que vous avez le luxe de ne pas côtoyer ces rombières, du moins dans votre quartier. Grosses bises à vous deux,
Les ex saigonnais de Panam

laure a dit…

Hé hé! J'adore le ton!
Mais bon... je suis mal placée pour rire de l'embourgeoisement en me comportant en petite fille gâtée trop souvent..
Au plaisir de relire quelques articles: j'ai trouvé celui que je cherchais (sur les expats) depuis l'aéroport de Saïgon! Bises à tous deux