samedi 23 mars 2013

Peste&Choléra


Patrick Deville, l’auteur de Peste & Choléra nous a gratifié d’une visite à Hô Chi Minh-Ville le 27 et 28 février. Le plus grand événement littéraire local depuis la venue en 2009 de Marc Lévi ? Indéniablement…
Loin de faire l’unanimité, Peste & Choléra a eu au moins l’immense mérite d’animer les conversations de cette entrée dans l’année du Serpent. Principal reproche : le style, des phrases sans verbe. Non, mais quelle honte !... Pour ces beaux parleurs qui ne voyagent que pour bronzer sur les plages de Thaïlande en se plaignant du manque de richesse culturelle de leur vie d’expatrié, le prix Femina serait difficile à lire. Un livre que l’on rejette donc pour de mauvaises raisons, mais qui a ses partisans ; enfin un,  moi.

 
Le prix Femina ne s’est probablement jamais autant lu que cette année au Vietnam. Patrick Deville connaît trop le pays pour ignorer que son ouvrage a été dupliqué sauvagement pour satisfaire la forte demande. Mais, ici, le photocopillage ne tue pas le livre, il le fait vivre. On laissera de côté les considérations logistiques. Dans les rencontres avec le public, annoncées sur des flyers désignés comme des billets de concerts rock, on ne parlera donc que du fond : des pasteuriens, des grands explorateurs, de Rimbaud, qui « a tué la poésie »- parce qu’après lui on ne pouvait rien faire de plus beau- des colons qui sirotent leurs vermouths-cassis aux terrasses du Majestic, et surtout de Yersin, personnage central de son livre, qui est tout cela à la fois avec son « empire dans l’empire ». On reparlera de Kampuchéa, de Mouhot, de Pavie, de Lagrée...
«  Sympa » ?, «Imbu de lui-même » ? Sans surprise, les prestations de l’écrivain seront saluées, et décriées. Il ne fait pas d’effort particulier, il ne fait pas semblant de vouloir s’intéresser aux lycéens qui viennent l’écouter, il ne déclare pas qu’il aime le Vietnam parce que, au fond, il n’y a « aucun lieu particulier dans le monde qui ne l’intéresse plus qu’un autre ». Présomption de sincérité, absence de démagogie : il faut aussi apprécier... Entre deux séances, Patrick Deville s’allumera probablement une Marlboro Light et pensera qu’après s’être incliné sur la tombe de Yersin avec les autorités vietnamiennes, il se lancera dans une autre aventure, ailleurs dans le monde, qu’il en aura fini avec cette histoire. Soulagement et nostalgie(?). Où est donc est-il déjà parti ce fantôme du futur ?



 

 

 

 

Battambang


Départ pour Battambang : Le bus de la compagnie Sorya 168 nous fait une bien mauvaise impression. Ce qui nous sauve en montant à bord, c’est que nous ne savons pas que la route durera 6 heures (contre 4h indiquées sur les guides). La route est cependant belle. Les vaches maigres nous regardent passer, devant les maisons sur pilotis. Les rizières sont très asséchées en cette période de l’année, malgré les digues creusées à la force des mains pendant la sinistre époque des khmers rouges…
 







Nous arrivons dans la soirée dans le centre de Battambang et posons nos valises au Sanctuary villa Resort.
Première soirée à flâner autour du marché, dans les rues aux échoppes anciennes datant du protectorat. Nous repérons au Gecko café la possibilité de louer une moto, outil appréciable de liberté. En goûtant un curry vert et en sirotant une bière Angkor, nous consultons les perspectives de balades.
Le lendemain, nous partons sur les routes en direction du Wat Ek, temple datant de la splendeur d’Angkor. Les pistes sont bordées de galettes de riz en train de sécher. La poussière attenue un peu la couleurs des feuilles de bananiers, du tek des maisons où sèchent sur les balcons les kramas vichys.
Sur le registre du Wat Ek, nous écrivons pour la postérité nos noms, après celui d’un autre français qui a signé « Johnny moquette smocker ». Au pied d’un énorme bouddha, les tongs multicolores des élèves d’une petite école sont abandonnées en vrac.
Une noix de coco pour la soif, et c’est reparti pour quelques temples, quelques marchés colorés et parfumés. Des mosquées font de temps en temps leurs apparitions.
 
Dans l’après-midi, nous faisons un tour dans la campagne sur un curieux moyen de transport : un petit train en bambou : un radeau posé sur quatre roues propulsé par une sorte de moteur à tronçonneuse, amusant. A la vitesse de 20 km/h nous arrivons dans un petit hameau touristique. Un vieux nous serre la main en nous disant en français sa fierté de nous rencontrer. Obséquieux, il nous propose à boire, prend un ton vexé lorsque nous déclinons l’ « invitation », comme si nous avions trahi un vieil ami en train de mourir de faim. Arrêt photo, devant une petite briqueterie, où les poules picorent le paddy qui sert de combustible.
Les roues claquent sur les rails pas vraiment rectilignes, le soleil se couche, nous rentrons plein de belles images en tête...
 
 
Le lendemain, on remet en route notre Suzuki en direction du sud. Une petite pancarte nous indique une maison ancienne à visiter. Une vieille dame nous accueille avec quelques mots d’un français impeccable. Elle nous raconte que sa maison a été construite en 1900, par ses grands-parents qui trônent en photos dans le salon aux meubles d’époque. La maison a été bien conservée malgré les dégâts des khmers rouges : ils ont occupé la maison. Elle ne dit pas ce qu’elle faisait pendant ce temps ; gêne ou pudeur ? Quelques kilomètres plus loin, nous arrivons au Wat Banan perché sur un monticule rocheux. Le temple est en bon état mais ne possède plus beaucoup de bas-reliefs ; ils sont exposés au musée de la ville. André Malraux s’est peut-être servi au passage ; qui sait ?
Nous faisons escale dans une petite entreprise de production d’alcools. Quelques vignes dans cette campagne autorisent la production d’un petit vin que nous goûtons poliment.
Dans l’après-midi, nous circulons dans le centre de Battambang, qui s’avère être une petit ville bien agréable. Nous faisons le tour de quelques temples, dont certains cachent de belles maisons de l’époque coloniale. Aux ronds points, nous admirons les statues hindoues puis concluons la journée par un petit cocktail à La Villa, une belle demeure coloniale convertie en hôtel qui a gardé son  mobilier rétro.
 
Vers la Thaïlande
« C’est parti mon kiki » comme nous a dit le tuk tuk qui nous a ramenés à l’hôtel hier soir en en apprenant que nous sommes français.
Sur la route que nous faisons en voiture cette fois ci (on avait eu notre dose de bus), certains villages s’activent pour célébrer des mariages, la musique est déjà à fond, les tables sont déjà dressées, nappes oranges, serviettes rouges, housses de chaises roses. En deux heures trente, nous arrivons à la frontière de Poipet, haut lieu d’un spectacle permanent : les charrettes en bois défilent avec ballots de tissus, de fruits, d’accessoires en plastiques, de coquillages, de pots de peintures, de barquettes en polystyrènes… Un va et vient de marchandises aussi surprenantes les unes que les autres.
Encore 4 heures de route…

 

 

Phnom Penh


Les illuminations du Têt, subventionnées par Domino's Pizza et Burger King ont remplacé celles de Noël, payées par Heineken et Samsung. Les musiques fêtant l'arrivée du printemps et souhaitant le bonheur dans chaque maison battent son plein dans les dernières boutiques ouvertes. Nous prenons, comme il y a cinq ans, le chemin du Cambodge, pour entrer dans l'année du serpent.
Bus jusqu'à Phnom Penh ; en poche un billet d'avion Bangkok-Hô Chi Minh avec Vietjet air, nouvelle compagnie à exploiter cette ligne.
La route est fluide, le passage de la frontière un peu long, la traversée du Mékong est le spectacle le plus attendu avec son défilé de vendeurs ambulants d'insectes grillés et ses files de véhicules bourrés à craquer en attendant le bac. Dans la capitale, les tuk tuk nous sautent dessus : trois dollars pour aller jusqu'à l'hôtel. 25 dollars la nuit, noté 7,2/10 sur Agoda, le Golden Gate Hôtel de la rue 278 nous met à disposition une chambre au mobilier en formica, une salle de bain au rideau de douche et aux joints de carrelage moisis. J'aurais mis 4/10.
La rue 278, nous est déjà un peu familière, nous y avions logé lors de notre précédente venue. C'est une rue assez agréable avec quelques boutiques et quelques terrasses où boire un verre, manger. On avait oublié toutefois le racolage lourdingue des tuk tuk

De hauts immeubles ont poussé, les rues sont toutes goudronnées, les affiches pour les cigarettes Alain Delon ont disparu, les avertissements pour déposer les guns dans les halls d’hôtels et pour ne pas appeler certains numéros risquant de vous mettre en contact avec des enfants  ne sont plus qu’un souvenir…
On feuillette le Guide du routard, on programme la suite de notre itinéraire. On aimerait bien visiter le Phnom Chisor, mais c’est loin, 65 km. Les agences nous vendent leurs services de voitures privées : 65$. Les tuk tuk se proposent de nous accompagner pour 15$. Un peu loin pour faire le trajet en tuk tuk. Vérification faites, ils ne savent pas où c’est, et ignorent qu’il faut faire 65 km ; puis nous disent que c’est pas une bonne idée. Les agences n’ont pas d’excursions toutes faites malgré les promesses de brochures que personne ne doit lire : « une seule personne nous a demandé cette visite depuis le début de l’année » nous dit une professionnelle du tourisme…. On temporise. La conviction nous gagne qu’il faut renoncer. On anticipera donc notre départ. Nous regardons vers des excursions en direction du lac Tonlé Sap : rien de bien organisé non plus. Une escale aux villages flottants de Kompong Chhnang et à Pursat nous rapprocheraient de Battambang. Il faudrait descendre du bus galérer, lâchés dans la nature... Pour un résultat incertain mais probablement à payer au prix fort. On renonce, et revisitons les classiques…
 
 
Le palais royal est encore tout décoré des roses blanches disposées pour les cérémonies du dernier hommage à Sihanouk, dont les photos sont disposées partout en ville comme une icône.
On sirotera un verre avec une collègue vivant ici sous les ventilos du décorum années 30 du FCC, tout près des quais animés du fleuve…
On marchera en plein soleil dans les larges avenues, nous passerons devant les beaux bâtiments de l’unité anti-corruption, deux cents mètres plus loin une Rolls est garée devant une banque. Pour chercher un peu de fraicheur, nous rentrons dans une libraire. Je cherche un Tintin en khmer mais mon regard se pose sur un petit livre « comment vivent les expatriés à Phnom Penh » que je feuillète. Je tombe sur des pages détaillant comment se détériorent les relations dans les couples mixtes. L’homme est un occidental venu faire des affaires, il tombe sous le charme d ‘une petite cambodgienne au sourire charmeur, aux gestes gracieux. Il aime ses manières, ses jupes étroites et sa façon de monter en amazone à l’arrière de sa moto. Mais, leurs conversations dans un anglais médiocre s’enlisent. Il rêve de visiter la campagne, elle a la déteste, car c’est là qu’elle est née. Il veut s’acheter une vespa vintage, elle ne veut entendre parler que des modèles japonais derniers cris. Il ne veut plus qu’elle porte des talons aiguilles et de robes aux couleurs criardes, elle s’en étonne, car c’est comme cela qu’elle l’a séduit. Viennent les repas avec les copains où elle montre de façon ostensible son ennui, les yeux collés sur son Ipad qu’elle a réussi, en se roulant par terre, à se faire offrir. Elle ne touche pas à la nourriture, et sitôt rentrée, se jette vers le frigo pour manger un bol de riz. La séparation devient inéluctable, alors elle fait une fausse tentative de suicide, invente une grave maladie pour ses parents pour faire du chantage. Il lâche, un peu de tunes, elle recommence en le menaçant  de mort pour encore avoir de l’argent. Je referme le livre. Les mêmes histoires…Partout…