Patrick Deville, l’auteur de Peste & Choléra nous a gratifié
d’une visite à Hô Chi Minh-Ville le 27 et 28 février. Le plus grand événement
littéraire local depuis la venue en 2009 de Marc Lévi ? Indéniablement…
Loin de faire l’unanimité, Peste & Choléra a eu au moins
l’immense mérite d’animer les conversations de cette entrée dans l’année du
Serpent. Principal reproche : le style, des phrases sans verbe. Non, mais
quelle honte !... Pour ces beaux parleurs qui ne voyagent que pour bronzer
sur les plages de Thaïlande en se plaignant du manque de richesse culturelle de
leur vie d’expatrié, le prix Femina serait difficile à lire. Un livre que l’on
rejette donc pour de mauvaises raisons, mais qui a ses partisans ; enfin
un, moi.
Le prix Femina ne s’est probablement jamais autant lu que
cette année au Vietnam. Patrick Deville connaît trop le pays pour ignorer que
son ouvrage a été dupliqué sauvagement pour satisfaire la forte demande. Mais,
ici, le photocopillage ne tue pas le livre, il le fait vivre. On laissera de
côté les considérations logistiques. Dans les rencontres avec le public, annoncées
sur des flyers désignés comme des billets de concerts rock, on ne parlera donc
que du fond : des pasteuriens, des grands explorateurs, de Rimbaud, qui
« a tué la poésie »- parce qu’après lui on ne pouvait rien faire de
plus beau- des colons qui sirotent leurs vermouths-cassis aux terrasses du
Majestic, et surtout de Yersin, personnage central de son livre, qui est tout cela à la fois avec son
« empire dans l’empire ». On reparlera de Kampuchéa, de Mouhot, de
Pavie, de Lagrée...
« Sympa » ?, «Imbu de lui-même » ?
Sans surprise, les prestations de l’écrivain seront saluées, et décriées. Il ne
fait pas d’effort particulier, il ne fait pas semblant de vouloir s’intéresser
aux lycéens qui viennent l’écouter, il ne déclare pas qu’il aime le Vietnam
parce que, au fond, il n’y a « aucun lieu particulier dans le monde qui ne
l’intéresse plus qu’un autre ». Présomption de sincérité, absence de
démagogie : il faut aussi apprécier... Entre deux séances, Patrick Deville
s’allumera probablement une Marlboro Light et pensera qu’après s’être incliné
sur la tombe de Yersin avec les autorités vietnamiennes, il se lancera dans une
autre aventure, ailleurs dans le monde, qu’il en aura fini avec cette histoire.
Soulagement et nostalgie(?). Où est donc est-il déjà parti ce fantôme du futur ?